Malek se remet à penser, à se dire :
« Si tu n’as rien à dire, ne dis rien, ne parle pas ! Trouve-toi dans ton silence, un refuge. Pense à ce jour de départ, à ces jours là-bas, qui suivront ce départ. Pense à cette traversée et à ce monde là-bas que tu t’en vas découvrir, qui n’est pas ce monde que tu t’en vas délaisser où les gosses apprennent trop jeunes à manier pelles et pioches, à construire eux-mêmes leurs propres maisons. Mais plus que ça : ici les gosses savent aussi, comme les grands, jouer de la kalachnikov. Ce monde où tout s’embrase avec le passage de l’été, où il n’y a presque plus rien à dire où tout a été dit vainement, où il vaut mieux se taire. Ce monde où tu vis sans vraiment les vivre, tes derniers moments, où tu ne fais partie ni des morts d’ici ni des vivants mais de ceux qui vont bientôt prendre la mer. Tu es triste pourtant, tu es triste parce qu’au fond, tu ne voudrais pas t’en aller. Tu aimes encore cette vie si simple que tu menais mais tu n’y peux rien et tu le sais. Tu obéis, tu ne fais qu’obéir à ces voix qui t’appellent, qui n’arrêtent pas de t’appeler et tu ne fais que répondre à cet étrange et incessant appel ».
Après s’être disputé avec son père et ses frère, Mourad, un artiste peintre sans emploi, quitte la maison et Tighilt son village. Pour son bonheur et son malheur à la fois, le Destin décide de lui trouver un joli petit appartement à Tawrirt, juste en face de la demeure de Malek, son oncle et ami d’enfance, parti en France, laissant femme et enfants et qui finit par ne plus donner aucun signe de vie.
Romancier et poète, Nacer ACHOUR, né à Ain El Hammam, (Algérie) en 1963, a publié une demi-douzaine d’ouvrages en France. Après Sur les rives de l’Euphrate notre course finira (Spinelle édition, Mai 2021), l’auteur de Dernier été, revient avec un roman dense pour nous entraîner cette fois-ci vers sa région natale et nous dire la beauté de celle-ci, dans toute la simplicité et la douleur engendrée par la séparation et l’exil.